La première guerre mondiale

1. Bureau 40



Le bureau 40 a été crée suite au désir de décrypter les messages allemands. C'est un organisme composé de plusieurs professionnels passionnés de cryptologie, installé en Angleterre. Leur première découverte fut la méthode de la substitution simple, qui consiste à remplacer chaque même lettre en clair par une seule unité cryptographique, toujours la même (c'est en fait un symbole).

L'un des moyens utilisés pour le décryptement fut le repérage radiogoniométrique. Ils déchiffrèrent les messages des U-boote, (sous-marins), qui étaient chiffrés avec un code à quatre lettres de la flotte de surface et surchiffrés par une transposition à tableau.

Les Allemands appelaient "Gamma epsilon" le surchiffrement pour les sous-marins classiques et "Gamma-u" celui des sous-marins à grand rayon d'action. Le mot clé était différent. Environ quinze mille télégrammes secrets allemands furent décryptés par le Bureau 40 d'octobre 1914 à février 1919. Cet organisme se divisait en deux sections de décryptement : la section navale et la section politique. Les Anglais décryptaient les messages diplomatiques allemands mais aussi espagnols (codés à l'aide de la méthode du surchiffrement).

Le meilleur code inventé à l'époque fut le Chiffre SA, conçu par J.C.F DAVIDSON en 1918 (qui remplaça le chiffre W). Les informations militaires transmises au consul d'Allemagne étaient chiffrées avec un dictionnaire-code et deux systèmes de langage convenu :


  • 1er système : les noms de famille étaient utilisés pour les messages concernant les bateaux et les ports.



  • 2ème système :pour les mêmes messages étaient utilisés les noms des produits pétroliers.



En 1917, le bureau 40 fit plusieurs découvertes. Tout d'abord ils ont découvert un long message codé, chiffré avec un code diplomatique connu sous l'appellation de code 0075, code désordonné qui était désigné, par le ministère allemand, au moyen d'un nombre de deux chiffres précédé de deux zéros (la différence arithmétique entre les deux chiffres était toujours égale à 2. D'autres codes comme le 0097, 0086, ou encore le 0064 (entre Berlin et Madrid) ont également étaient découverts.

Le télégramme de ZIMMERMANN suscita beaucoup de réflexion. En effet, il était chiffré, et particulièrement long, de mille groupes trouvés dans les dossiers du département de l'Etat. Quant au déchiffrement partiel, il posait problème sur l'exactitude du décodage (authenticité du message) Enfin le décryptement, par le bureau 40, d'un message ennemi contribua à l'entrée des Etats-Unis dans la première guerre mondiale. Pendant cette période l'Histoire fut entre les mains des décrypteurs.

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2. Première guerre mondiale



La première Guerre Mondiale fut une suite de véritables batailles sur le plan technique. Dans les deux camps, négligences et atermoiements caractérisèrent la période du début. Bientôt cependant, une activité fébrile marque l'intérêt des belligérants pour la cryptographie. Cette période est féconde et d'une influence décisive. Elle est à l'origine de la création, dans tous les pays, de services organisés de chiffre et de décryptement.

En août 1914, nul ne pouvait prévoir l'ampleur que devait prendre le chiffre dans une campagne que chacun, pour des raisons différentes, présumait courte. Sauf pour les Anglais, les précautions prises, dans les armées belligérantes, pour assurer le secret des correspondances furent insuffisantes. En France le commandant CARTIER avait réuni un certain nombre d'officiers qui avaient pour rôle d'assurer la confidentialité des correspondances et d'attaquer celles de l'ennemi. Les Allemands prirent conscience des dangers de l'interception de leurs messages et perfectionnèrent leur méthode, ce qui ne fut pas un obstacle pour les cryptologues.

La radio fut l'un des moyens le plus utilisé pour faire passer des messages. Les généraux s'en emparèrent rapidement comme instrument de guerre car elle multipliait l'avantage essentiel de la télégraphie militaire et accélérait la communication entre les quartiers généraux. Mais la probabilité d'interception était grande et la facilité d'écoute trop importante. (La cryptanalyse devint un moyen d'action opérationnelle. C'était une source valable d'informations et donc une véritable arme).

La radio fut utilisée de façon intensive au cours de la première Guerre Mondiale. C'est elle qui amena la cryptologie à maturité. Les Français réussirent à décrypter un système utilisé, par les Allemands, appelé l'ÜBCHI, qui était un système à double transposition.

Les Allemands ne changeaient leurs clés que très rarement, ce qui permit, entre autre, aux Français de bombarder THIELT (Belgique). Le 18 novembre 1915, les Allemands mirent en service un nouveau système, mais ce dernier fut rapidement décrypté par le lieutenant A..THEVENIN vers le 10 décembre. Un mois plus tard, on proposa une nouvelle méthode simplifiée pour le décryptement, appelée l'ABC mais qui fut abandonnée en mai 1915.

Les méthodes de décryptage et les clés étaient le plus fréquemment fournies par la section de Paris, aux sections du chiffre. Au début de l'année 1916, on assista à la reprise de l'activité de la radio. Les Allemands prirent connaissance de la phraséologie et des procédures de transmission, qui furent d'un grand secours acquis pendant les premiers jours de la Guerre.

Les Français continuaient leur chasse systématique aux mots-clés afin de décrypter un maximum de messages. On assista par la suite à l'apparition de nouveaux systèmes fondés exclusivement sur la substitution. Ils devinrent de plus en plus compliqués, mais cette évolution étant progressive, à aucun moment les Français ne se trouvèrent cryptologiquement distancés.

A la fin de 1916, des messages de transposition firent à nouveau leur apparition dans leur trafic militaire. En janvier 1917, les cryptanalystes français identifièrent le procédé utilisé à cette période, comme étant celui des grilles tournantes, dont les seules caractéristiques communes avec la grille de Cardan était le nom et l'existence de fenêtres dans le cache. La grille tournante était généralement constituée par un carré de carton divisé en cases.

Le plus difficile problème auquel furent confrontés les cryptologues fut le système Für God, ainsi nommé parce que tous les messages chiffrés par ce moyen portaient cette mention pour indiquer qu'ils étaient destinés à la station radio dont l'indicatif d'appel était GOD. Ces messages étaient émis, de façon irrégulière, environ trois fois par semaine, par la puissante station de Nauen, située près de Berlin et dont l'indicatif était POZ. Le Für God apparut en 1916 et dura jusqu'à l'automne 1918, ce qui en fait le système allemand ayant eu la plus grande longévité. C'est un anglais, le capitaine Brooke-Hunt qui décrypta le Für God au début de 1917.

A l'arrière des lignes, les Français correspondaient au moyen d'un code surchiffré à quatre chiffres. Entre le 1er août 1914 et le 15 janvier 1915, ils en changèrent trois fois. Sur le front, les Français utilisaient parfois une substitution polyalphabétique par alphabets désordonnés et clé périodique. Mais le procédé auquel ils accordèrent leur confiance pendant trois ans était une transposition simple améliorée qui, paradoxalement, était théoriquement plus faible que la double transposition allemande. Mais tous leurs messages n'ont pas été décryptés car durant les deux premières années de la guerre, l'Allemagne n'avait pas de cryptanalyste sur le front ouest. Elle était entrée dans la guerre sans aucun service militaire de décryptement. Au fur et à mesure que la guerre se développait, les Français firent de plus en plus usage de la radio. En février 1916, le commandant de l'armée de Lorraine, réclama une sorte de code téléphonique en raison des interceptions qui avaient attiré des bombardements sévères et nombreux sur ses réserves. La Section de chiffre réalisa alors un carnet de chiffres. Les mots importants des messages téléphonés devaient être épelés sous une forme chiffrée où les lettres étaient remplacées par des bichiffres pris dans le carnet. Ces carnets étaient remplacés périodiquement.

Chaque édition avait un nom (Olive, Urbain...) et la lettre initiale de ce nom, répétée trois fois, indiquait le carnet utilisé pour le chiffrement. Plus tard, un avion d'état-major porta ces résultats au bureau de décryptement britannique et Berthold les télégraphia aux Français en utilisant un code spécial, réservé aux cryptanalystes. Ce fut la pierre de Rosette pour le décryptement du nouveau système, le Schlüsselheft (système américain de 1917).

Le 5 août 1918, une station d'interception capta un message de 456 lettres, adressé au ministère des Affaires étrangères et émanant du Kress von Kressenstein. Le lieutenant J.Rives Childs, qui était à la tête du petit groupe qui travaillait sur les systèmes littéraux, fit un relevé des fréquences, constata avec satisfaction que celle de la lettre b, particulièrement élevée, signifiait nécessairement qu'elle représentait le e clair dans une substitution mono-alphabétique et, en une heure, il avait décrypté le message. Mais le cryptage d'un tel message était jugé médiocre.

Mackensen, autre homme célèbre dans le domaine de la cryptanalyse, envoya une dépêche chiffrée en ADFGVX, probablement le chiffre de campagne le plus célèbre. Il était nommé ainsi parce que ces six lettres seulement apparaissaient dans les cryptogrammes. Toutefois, lorsque le système fut mis en service le 5 mars 1918, cinq lettres seulement étaient utilisées : le V n'y figurait pas. A ce moment, la guerre apparaissait comme une sorte de match nul par épuisement des adversaires.

La première Guerre Mondiale marque l'un des principaux tournants de l'histoire de la cryptologie. Avant, son importance était secondaire ; après, elle était primordiale. Avant, c'était une science dans son enfance ; après, elle avait atteint la maturité. La cause directe de ce développement était l'accroissement énorme du volume des communications radio. L'accession de la cryptanalyse au rang de moyen d'information essentiel et permanent était le signe le plus frappant de la maturité récente de la cryptologie.

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